Les jeunes à la sortie de PP2

Une image de soi plus positive et le sentiment de prendre le contrôle de son parcours

novembre 2, 2020

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Une image de soi plus positive et le sentiment de prendre le contrôle de son parcours

Au terme de leur passage dans le projet, notre mesure effectuée à l’aide d’échelles [1]L’estime de soi a été mesurée à l’aide d’une échelle de Rosenberg et le locus of control à l’aide des indicateurs développés par Latina, J., Rastoldo, F., Ferro Luzzi, G. & … Continue reading montre une amélioration générale de l’estime que les jeunes ont pour eux-mêmes ainsi qu’un déplacement vers le sentiment de contrôler leur vie plutôt que de dépendre d’évènements externes sur lesquels ils n’auraient pas de prise. 

Ces résultats font l’objet d’une mesure expérimentale dans ce type d’étude et doivent être considérés avec prudence. En effet, notre échantillon est restreint et nous ne disposons pas d’une même mesure pour un groupe contrôle de jeunes qui n’auraient pas participé au projet.

Cela étant, nous pouvons tout de même esquisser quelques hypothèses quant à l’influence de la participation au projet PP2 sur le niveau d’estime d’eux-mêmes des jeunes et leur sentiment de contrôler par eux-mêmes leur vie. Nos mesures basées sur des échelles utilisées dans le questionnaire ont été complétées par des entretiens avec les jeunes. L’analyse de ces entretiens montre que les jeunes verbalisent assez facilement le sentiment d’avoir repris de la confiance en eux-mêmes.

Par exemple Chiara qui, à l’entrée dans le projet, témoignait d’une très faible estime d’elle-même explique clairement au terme de son parcours à BAB-VIA le sentiment d’avoir retrouvé de la confiance et une image positive d’elle-même.

C’est simple. Le fait que j’ai déjà acquis une confiance en moi, ça me permet d’avoir une ouverture sociale beaucoup plus… positive. C’est bête, mais il suffit qu’on s’aime un peu pour qu’on puisse « aimer les autres », ou accepter que les autres viennent à nous.

Chiara

Il en va de même pour Ophelia, qui lorsqu’on lui demande les domaines dans lesquels elle a le sentiment d’avoir progressé, met en avant l’expérience du stage comme un facteur qui lui a permis de prendre de l’assurance

En fait, plus je prends des initiatives, plus ma confiance elle est plus sûre.

Ophelia

De son côté, Alexandre qui présentait à l’entrée un haut niveau de confiance en lui à l’entrée à PP 2 nous confesse avoir « gonflé » un peu ses réponses au moment du premier questionnaire, par « ego » nous dit-il. A la sortie de PP2, il revient alors plus volontiers sur son véritable état au moment de son arrivée. Ainsi, au moment de se prononcer sur son degré d’acquiescement avec l’affirmation : Il m’arrive de penser que je suis un bon à rien. Il nous déclare en aparté :

 C’est des trucs que je me disais en sortant de l’ECG, l’école ils m’avaient mis un peu dans une case, ils voulaient que je sois dans cette case-là… Du coup les trucs ils ont bien changé.

Alexandre

Ainsi au terme de son passage à PP2 Alexandre, nous explique bien qu’au moment de son interruption de formation, son niveau de confiance en lui était bas. Il avait parfaitement intégré ses difficultés scolaires qui lui donnaient le sentiment d’être dans une impasse. Mais, selon lui, la possibilité de faire ses preuves lors des stages, dans un environnement professionnel où les qualités individuelles ne se mesurent pas uniquement à l’aune du bulletin scolaire lui a permis de reprendre conscience de sa propre valeur.

VIA ils m’ont plus donné la confiance que l’école… Quand j’ai arrêté l’ECG, on m’a dit avec les notes que t’as ça va être compliqué. Quand j’ai quitté l’ECG je faisais un peu bas, mais après avec les stages je me suis rendu compte qu’ils jugent beaucoup par rapport à l’expérience pratique et pas forcément les notes et les diplômes.

Alexandre

Les indices qui permettent de considérer le sentiment de reprendre le contrôle de sa vie, de son parcours sont plus délicats à détecter dans la parole des jeunes. Il est possible néanmoins d’en expliciter quelques-uns.

Il y a tout d’abord les progrès en matière de sociabilité qui conduisent certains jeunes à oser aller vers l’autre pour poser des questions et ne plus attendre dans son coin que les choses se passent alors que des éléments leur échappent.

Au tout début j’étais quelqu’un d’assez timide, réservé. Je ne voulais pas trop parler avec les gens. Là ça m’a grave sociabilisé. C’est pas vraiment la confiance, mais j’étais dans mon coin. Dans mon premier stage je n’osais pas parler et plus les stages ont passé mieux ça a été.

Alexandre

Maintenant, je vous que je suis beaucoup plus ouvert et que si j’ai des questions, je les pose directement. J’avais aussi plus de difficultés à parler aux femmes. Mais maintenant je trouve que je me débrouille bien.

Bastien

D’autres jeunes mettent en avant des progrès réalisés dans leur capacité à s’organiser de manière indépendante, à assumer par eux-mêmes une responsabilité confiée.

Surtout le côté responsable, avant je n’étais pas trop responsable. Pendant le stage, quand j’ai eu 15 enfants à gérer, quand il y a une route à côté, j’ai vu que j’étais capable

Bastien

C’est super important d’être organisé quand on travaille en crèche. Pour bien organiser le repas ou la sieste, les activités, quoi. Les jeux. Il faut être ponctuel.

Enian

Ce sentiment de reprendre le contrôle est aussi parfois lié à une motivation retrouvée qui a permis de faire à nouveau des efforts pour parvenir à ses objectifs plutôt que se laisser bercer par « la flemme », comme pour Djenah qui exprime la satisfaction d’être parvenue à réintégrer le cursus de la maturité spécialisée. 

Alors la motivation, je l’ai à nouveau. Je l’avais perdue parce que ça m’avait découragée de ne pas avoir été prise. Surtout que j’avais eu de bonnes notes et que je m’étais mis une balle dans le pied en bâclant mon rapport. Mais maintenant la motivation elle est là, je suis contente d’être en maturité spécialisée. Je dirais même que c’est… je ne sais pas, ça donne encore plus de valeur à cette année, parce que j’ai galéré l’année d’avant et maintenant, je suis là. Donc la flemme y a plus. Y en a toujours, mais pas comme avant.

Djenah

Enfin, d’autres jeunes témoignent aussi d’une forme de confiance dans leur capacité à avoir une influence sur les différentes épreuves qui pourraient se présenter à eux à l’avenir. Comme Florence qui a le sentiment que la formation qu’elle va entreprendre va lui donner un support pour trouver un emploi dans le domaine qu’elle a choisi

Mais globalement, je suis optimiste par rapport au futur parce que si sans papier, j’ai déjà des propositions et des emplois et compagnie, je me dis qu’avec un papier, ça serait juste… mieux !

Florence

Ou encore Chiara qui met en avant l’importance d’être en mesure de saisir des opportunités 

Il y a un truc que j’ai compris. Quand il y a des portes qui se ferment il y en a d’autres qui s’ouvrent. Pour moi c’est un objectif que j’essaie de mettre en place tous les jours. Ce n’est pas forcément 100 % ce que tu veux, mais dans cette… cette atmosphère-là il y a peut-être d’autres portes qui vont s’ouvrir. Donc ne ferme pas complètement, ne désespère pas complètement.

Chiara

Devenir adulte aux yeux de ses parents et parvenir à « se gérer »

Au moment de leur arrivée à PP2 les jeunes des deux groupes, les plus jeunes, comme les plus âgés avaient plutôt le sentiment d’être adulte. (réponse plutôt oui) Ceci alors qu’aucun d’entre eux, à l’exception de Chiara, n’avait quitté le foyer d’origine et n’obtenait de revenus de manière indépendante. Leurs réponses s’affranchissaient donc des marqueurs qui balisent l’âge adulte à savoir l’obtention d’une certification qui permet ensuite d’avoir un emploi pour habiter ensuite de manière indépendante. Ce sentiment n’a pas évolué pendant le passage à PP2.

En revanche toujours au moment de leur entrée dans le projet, leur impression de l’image que se faisaient leurs parents de leur état d’adulte était plus nuancée (As-tu le sentiment d’être adulte aux yeux de tes parents : Réponse plutôt non). Au terme de leur passage à PP2, cette perception a évolué et l’ensemble des jeunes considèrent que dorénavant leurs parents les considèrent davantage comme des adultes. Difficile d’apporter une explication définitive à cette évolution, mais il est possible d’imaginer que les parents ont relevé les efforts de leurs enfants pendant le projet et que de les observer prendre la voie d’une certification de secondaire II est de nature à envisager une sortie de l’adolescence.

A la question toute relative « Je parviens à me gérer » qui pourtant semblait très familières aux oreilles de jeunes interrogés, les jeunes du groupe 1 ont répondu à l’entrée de manière très affirmative et leur opinion n’a pas évolué depuis. Dans le groupe 2, les jeunes qui avaient répondu par la négative ont, quant à elles, modifié leur sentiment positivement au terme de leur passage à PP2. 

Une plus grande satisfaction de la « Vie en général »

Enfin la question très générale « Es-tu satisfait-e de la vie que tu mènes actuellement » avait mis en évidence une différence très marquée entre les jeunes des deux groupes. Les jeunes du premier groupe étalent très satisfaits de leur vie, alors que les jeunes du second groupe faisaient état d’une satisfaction moyenne, voire faible pour certaines jeunes femmes. Au terme de leur passage à PP2, les jeunes du groupe 1 ont encore légèrement renforcé le sentiment de satisfaction de leur vie et les représentations des jeunes du groupe 2 se sont assez fortement modifiées pour atteindre quasiment le même niveau de satisfaction de leur vie que les jeunes du premier groupe. 

References

References
1 L’estime de soi a été mesurée à l’aide d’une échelle de Rosenberg et le locus of control à l’aide des indicateurs développés par Latina, J., Rastoldo, F., Ferro Luzzi, G. & Ramirez, J. (2016) Le rôle des compétences non cognitives dans les orientations en fin de secondaire I. Note d’information du SRED, no 70..
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