Les jeunes à l'entrée de PP2 Une

Des jeunes bloqués au milieu du gué de l’École de Culture Générale

novembre 3, 2020

author:

Des jeunes bloqués au milieu du gué de l’École de Culture Générale

Éléments de profil sociodémographique

Les quatorze jeunes qui sont entrés dans le projet PP2 au cours de l’année 2018-2019 ont entre 16 et 24 ans. Ce groupe compte une majorité de jeunes femmes (9).

Ces jeunes sont en majorité de nationalité suisse. Ils-elles résident généralement en Ville de Genève.

Après le Cycle d’orientation, une orientation directe à l’Ecole de Culture Générale

La majorité des jeunes du projet PP2 fait partie des 10-12 % d’élèves qui s’orientent directement à l’Ecole de Culture Générale (ECG) au terme du Cycle d’orientation (CO). Si cette voie de formation permet, par le biais de l’obtention d’une maturité spécialisée d’accéder aux Hautes Ecoles Spécialisées (HES), elle ne certifie qu’un peu plus de la moitié des élèves qui y entre directement après le CO.

Les jeunes participant-es au projet PP2 suivis dans le cadre de cette étude font partie des nombreux élèves dont le parcours de formation à l’ECG va connaître des interruptions.

Ainsi, un peu moins de la moitié des jeunes a interrompu sa formation à l’ECG sans obtenir le diplôme, et les autres ont échoué au cours de l’année qui conduit à la maturité spécialisée. Pour ces derniers, le SRED [1] Mouad, R. & Brüderlin, M. (2020). L’Ecole de Culture Générale à Genève: une école singulière au coeur du secondaire II. Genève: SRED. relève bien l’attractivité que représente l’obtention de la Maturité Spécialisée, mais aussi la compétitivité accrue dont il faut faire preuve pour obtenir un stage, afin d’entrer dans cette dernière année du cursus en voie générale. En effet, la maturité spécialisée constitue aussi une perspective attrayante pour des jeunes qui ont effectué un parcours en voie gymnasiale avant de se réorienter à l’ECG. Mais, aujourd’hui, près de la moitié des jeunes qui obtiennent une maturité spécialisée est passée par le collège.   

Lorsque nous les invitons à revenir sur leur parcours scolaire, 60 % des jeunes affirment s’être orientés un peu par défaut au sortir de l’école obligatoire et 70 % ont le sentiment que leur scolarité a été émaillée de difficultés.

Pour les jeunes orientés par défaut à l’ECG, en échec avant l’obtention du diplôme, l’expérience scolaire est décrite comme une sorte de pensum, dont il faut s’extraire.

A cet égard, le témoignage de Sophie rejoint d’autres témoignages recueillis qui font tous état d’une perte de sens à l’égard de l’activité scolaire. Cette perte de sens confine avec un état de malaise qui conduit à chercher à s’extraire rapidement de l’environnement scolaire par trop pesant.

Je n’aimais pas trop, j’étais un peu perdue, je ne savais pas trop ce que je faisais là. C’était pas trop mon truc et moi, j’ai toujours aimé le contact humain, parler avec les gens, les langues c’est ma facilité, les enfants j’aime beaucoup. Je n’étais pas du tout orientée au bon endroit. Du coup, j’ai maintes fois dit à mes parents, mais ils me disaient « Accroche-toi ! On va te trouver des répétiteurs » blablabla, vraiment pour que je m’accroche, pour que je finisse cette année. Et en fait, j’ai eu une sorte de break down, un mental break down et j’ai dit non, je veux plus aller à l’ECG.

Sophie

Dès lors, la voie qui s’offre à eux se dessine dans la perspective de quitter le milieu scolaire pour faire de la pratique, pour entrer en apprentissage.

Avant, j’étais à l’école de l’ECG, j’étais en 1ère année, j’avais fait la préparatoire et du coup j’ai arrêté l’école en début d’année, parce que…. j’en pouvais plus et je voulais trouver un apprentissage, mais je ne savais vraiment pas du tout dans quoi…

Ophelia

C’était mieux que j’arrête et que je consacre du temps à faire des stages, plutôt qu’à rater des cours. C’était plus important, car je savais que je n’allais pas passer l’année. Ça m’intéressait plus trop. Je voulais faire de la pratique.

Alexandre

La situation est quelque peu différente pour les jeunes dont l’orientation à l’ECG faisait l’objet d’un choix et dont le projet était de pouvoir entrer dans une HES au terme de leur formation. Ces dernier-ères vivent alors leur échec en année de maturité spécialisée avec le sentiment d’être contraints de s’arrêter très près du but.

Pour une jeune femme comme Djenah, il s’agit alors d’être en mesure de remettre rapidement l’ouvrage sur le métier, afin de pouvoir reprendre le parcours qui la conduit vers le projet professionnel auquel elle aspire.

Djenah : – J’avais déjà fait un stage (pour entrer en maturité spécialisée) et on devait rendre un rapport. Mon rapport n’était pas suffisant et du coup, le 14 septembre, on m’a dit que je ne passerai pas en maturité. Je dois retrouver un nouveau stage. Et depuis, j’ai cherché des stages, mais je n’ai rien trouvé par moi-même (…) Parce qu’en fait ce rapport, vraiment je l’ai raté à peu de chose près et vu que c’est vraiment ce que je veux faire, donc oui. Je vais retenter l’année prochaine.

Enquêtrice :- Et c’est quoi précisément, ce que tu veux faire ?

Djenah : – Sage-femme. (…) C’est à la Haute école de la santé. Donc je fais la Matu et après je fais 3 ans sage-femme.

Faire ses preuves par le biais de stages

Les jeunes qui ont quitté l’ECG pour faire de la pratique n’ont que peu de capital scolaire à valoriser, ils-elles savent que pour trouver une place d’apprentissage, ils-elles vont devoir faire leurs preuves par le biais de stages.

En avril j’ai arrêté l’ECG, j’ai voulu trouver un apprentissage par moi-même. Vu que mon CV était un peu vide pour trouver un apprentissage, ben fallait que je fasse des stages.

Alexandre

Il en va de même pour les jeunes appelés à retenter une entrée en Maturité Spécialisée, dont les exigences préalables requièrent la validation d’un stage d’une durée de 8 semaines.  

Ainsi, c’est la recherche de stages qui est au centre des préoccupations de ces jeunes et qui va les conduire à BAB-VIA où ils-elles se verront proposer le projet PP2.

Hormis 4 jeunes qui se sont rendus à BAB-VIA sur le conseil de l’ECG immédiatement après leur interruption de formations, les autres ont tenté de trouver un stage par eux-mêmes. Sans supports, ces recherches n’ont conduit qu’à des échecs et à un sentiment de désarroi.

Le fait que c’était pas très ciblé (mes démarches), je ne savais pas… J’avais pas de liste de là où on prend les apprentis, je devais envoyer des demandes partout et c’était très compliqué parce qu’en général, j’avais souvent des refus. Je ne savais pas vraiment où aller en fait. Où envoyer surtout.

Helena

D’autres bénéficiaient déjà du soutien d’institutions œuvrant dans le domaine de l’orientation ou de l’aide sociale, mais ils-elles ont souhaité maximiser leur chance de décrocher un stage en s’adressant en parallèle à BAB-VIA.

Je voulais un soutien en plus. J’étais inscrite à Tremplin Jeunes, ils font à peu près la même chose qu’ici (à PP2), mais ils travaillent un peu différemment et du coup, je voulais un plus.

Ophelia

A ce sujet, plusieurs jeunes ont insisté sur le fait que l’offre qui leur était proposée à l’Office pour l’Orientation la formation professionnelle et continue (OFPC), n’était pas, selon eux-elles assez personnalisée, ce qui les a incité-es à trouver une autre forme de support.

J’avais déjà essayé l’OFPC et j’ai pas trop aimé parce que j’étais allée plusieurs fois. Par exemple quand j’avais su que je ne pouvais pas passer au Collège, j’étais allée là-bas, pour trouver une solution ou je sais pas. Et j’ai été déçue parce que j’ai vu le Monsieur en train de chercher sur Internet et j’étais là, mais moi j’ai Internet à la maison ! Je peux le faire à la maison ! Il y a qu’une seule fois où j’ai été vraiment surprise, mais en général quand j’allais à l’OFPC, c’était assez bof.

Djenah

Qu’ils-elles se rendent à BAB-VIA sur le conseil de leurs proches ou par le biais d’un des partenaires du réseau genevois, l’ensemble des jeunes connaissait la Boite-à-Boulot (BAB) soit parce qu’ils-elle y avaient déjà travaillé, soit parce que l’un-e de leurs ami-es y avait fait des expériences positives. 

Pour les jeunes, la BAB représente donc un espace familier et accessible pour venir confier ce souci de trouver un stage.

J’ai connu (PP2) grâce à la BAB. Avec une copine on s’était inscrites ensemble en tant que mineures, c’était il y a longtemps. Ensuite, c’était l’année passée où j’ai commencé à travailler à la BAB et en fait, j’ai discuté de mes problèmes à l’école, enfin, que je n’’aimais pas l’école et ils m’ont dit : « Ah mais c’est super, on a PP2 justement ». Et c’est eux qui m’ont dirigée vers PP2.

Sophie

Mais, la BAB-VIA a aussi acquis une certaine réputation d’efficacité dans le soutien à la recherche de formation qui se transmet par le bouche-à-oreille.

J’ai une amie qui m’a dit : « Ecoute, mais va à Antenne-VIA parce que mon grand frère y a été ». Son frère a été à l’ECG, Il n’aimait pas, donc il a arrêté. Il a été à Antenne-VIA, On l’a aidé et aujourd’hui, il a le CFC qu’il voulait et il travaille dans ce qu’il veut.

Giulia

De fortes préoccupations pour leur avenir professionnel

A leur arrivée dans le projet PP2 les jeunes ont en commun le fait de n’avoir aucune certification du secondaire II. Ils-elles sont très conscient-es que la seule voie qui s’offrent à eux-elles est de faire des stages pour espérer entrer dans une formation professionnelle ou raccrocher avec la voie de la maturité spécialisée.

L’interruption de formation qu’ils-elles viennent de vivre, les difficultés à trouver un stage qui permettrait de raccrocher à la voie de formation professionnelle les inquiètent particulièrement.

Ainsi, comme le montrent les réponses à une batterie de questions portant sur le type et le niveau de leurs préoccupations au moment de leur arrivée, les préoccupations portant sur des questions liées à leur avenir en matière de formation et d’orientation professionnelle prennent le pas sur les préoccupations plus personnelles.

References

References
1 Mouad, R. & Brüderlin, M. (2020). L’Ecole de Culture Générale à Genève: une école singulière au coeur du secondaire II. Genève: SRED.
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *